Claire North – Les quinze premières vies d’Harry August

 

« Le second cataclysme se déclencha durant ma onzième vie, en 1996. Je mourais comme d’habitude, m’enfonçant dans la brume tiède de la morphine, lorsqu’elle m’interrompit tel un glaçon qui aurait glissé le long de ma colonne vertébrale.
Elle avait sept ans et moi soixante-dix-huit. »
(Premier chapitre, première phrase)
Harry August

Résumé

Originaire du nord de l’Angleterre Harry August est un homme ordinaire. Il vit le jour en 1919, juste après la première guerre mondiale, vécut une vie simple et comme tout un chacun mourut. Mais ce ne fut pas sa fin, car depuis, après chaque mort, tel un phénix, il renaît de ses cendres et se retrouve à son point de départ en 1919, même lieu, même mère, même conditions. Et ce n’est qu’entre quatre et cinq ans qu’il reprend conscience et connaissance de tout ce qu’il a vécu auparavant dans ses vies antérieures.
La première fois qu’Harry August renaît et que conscience et souvenirs lui reviennent, son esprit part en sucette. Face au vieillard qu’il est dans sa tête et son âme, et ce corps d’enfant, perdu, il finit par se suicider à l’âge de sept ans, en se jetant d’une fenêtre de l’asile où ses parents l’ont fait enfermer. Mais il renaît de nouveau et tente alors, sans beaucoup de succès, de comprendre.
Au fur et à mesure des vies qui lui sont offertes, des explications se font jour. Jusqu’à la fin de sa 11ème vie, alors qu’il est mourant une petite fille vient à son chevet l’avertir que la fin du monde approche de plus en plus vite, et qu’il doit faire quelque chose… Commence alors la seconde partie du roman.

Replay

Avant tout il faut dire que l’argument de ce roman fait tout de suite penser à l’un de Ken Grimwood, « Replay ». Mais si l’idée de base est la même avec quelques similitudes, les romans sont très différents. Evidemment je ne parle pas des différences « techniques », la renaissance se fait ici à la naissance et il faut attendre quelques années avant que les souvenirs ne reviennent au protagoniste, tandis que dans « Replay » elle se fait à 18 ans, le personnage, Jeff, ayant tout de suite la totalité de ses souvenirs. « Replay » est traité de façon linéaire, on avance dans l’histoire de Jeff essentiellement au travers de ses émotions et les événements jour après jour. Pour Harry August, on est beaucoup plus dans la psychologie et le style de narration tient beaucoup le lecteur en alerte par un récit en zigzag, avec flashbacks qui ne sont en rien rebutant comme cela peut l’être parfois. Le récit est beaucoup plus intense, rythmé, plus vivant.
Si le traitement dans le roman de Ken Grimwood est linéaire, dans « Les quinze premières vies d’Harry August » c’est vous et moi qui sommes des linéaires. Tandis qu’Harry August, comme les « siens », est un Kalachakra. Ce qui signifie cycle temporel, roue du temps. Ceux qui ont une vie circulaire.

Qu’en dire ?

Raconté sous forme de journal, ou d’une longue lettre, « Les Quinze premières vies d’Harry August » est ce que l’on pourrait appeler un roman temporel. C’est une véritable boucle entre le début de XXème siècle et sa fin, voir le début du XXIème. Journal écrit avec un flegme tout britannique, plein d’ironie pince-sans-rire, allant parfois jusqu’à l’humour noir. Logique pour Harry August que naquit au fin fond de la campagne anglaise me dirait vous.
Suivant un fil rouge tout à fait personnel, tout en flashbacks, il nous raconte ses différentes vies, ses réussites et ses échecs, ses découvertes. Un destin qu’il se réinvente à chaque renaissance, car tout changement dans sa nouvelle vie a des conséquences, parfois inattendues. Un récit captivant abordant divers thèmes, agrémenté de débats philosophiques. L’intrigue se dévoile au fur et à mesure des allers et retours dans ses vies passées. Retours en arrière, qui loin d’égarer le lecteur, le tiennent en haleine.
Évidemment les questions existentielles ont leur place dans ce roman, et surtout le pourquoi de ce cycle sans fin possible, ou presque. Mais aussi que faire de ces connaissances acquises ? Peut on influer le cours de l’histoire, quelles en seraient les conséquences ? La question du paradoxe temporel est au cœur du sujet. Renaître sans cesse est un état qui fait réfléchir, s’il peut être tentant de recommencer à zéro, surtout quand on garde le souvenir des ces précédentes expériences, on a alors des choix à faire qui peuvent apparaître cornélien. Et quand arrive le jour ou l’on pourrait estimer que la vie que l’on a est celle dont on a rêvée, faut la reproduire à l’infinie pour les suivantes ?
Quelques soient les choix que l’on fera, l’ennui finira toujours par arriver à un moment ou l’autre. En écrivant cela je me rend compte que je suis abonné aux romans temporels  depuis quelques temps. Ayant lu il y a quelques semaines celui de Franck Ferric, « Trois oboles pour Charon ». Face à l’ennui comment ne pas être tenter d’essayer autre chose, de jouer avec l’histoire. Mais ce jeu aura des conséquences non seulement pour soi, mais surtout pour les autres.
Au final reste la question de savoir à quel point chaque décision que nous prenons dans notre vie peut-elle influer sur le futur de toute l’humanité, l’effet papillon est-il une réalité ? Si demain matin en sortant de chez je tourne à droite au lieu de partir à gauche comme chaque matin, vais-je avoir une influence sur l’avenir du monde ?

Écriture

Claire North a un style vraiment accrocheur et très agréable. Elle sait appâter son lecteur avec cette histoire de fin du monde, mais surtout elle donne tout de suite envie connaître mieux Harry August et de le suivre tout au long de ses vies. Le choix des retours dans le passé ou ses bonds dans le futur donne du punch à ce roman. On a le sentiment d’être tranquillement assis avec un ancien qui nous raconte divers épisodes de sa vie, au fur et à mesure qu’ils lui reviennent en mémoire, une vrai veillée au coin du feu.
Ce roman est inventif et astucieux, l’auteure maîtrise parfaitement le contexte avec ses interactions complexes et ses ramifications. L’écriture est à la fois simple et remarquablement limpide malgré la complexité et l’abondance d’informations. Elle zigzague sans cesse d’une vie à l’autre, d’une année à l’autre, sans laisser le lecteur se perdre dans cet enchevêtrement. Le côté très déstructuré de ce roman lui permet d’aborder de nombreuses thématiques, et son écriture permet au lecteur de garder le fil tout au long des 500 pages de cette histoire crédible et cohérente.
Seul petit bémol peut-être, est l’aspect un peu caricatural de la plupart des personnages secondaires. Et là je m’aperçois que je ne vous ai pas encore paré de Vincent Rankis, un autre personnage du roman, et réflexion faite je n’en dirai rien, à vous de le découvrir.

Au final

Un roman passionnant, bien écrit et qui nous pose une question, à nous pauvres linéaires titulaires d’une seule et unique vie :« Et si je pouvais tout reprendre à zéro – en me souvenant de mes vies précédentes, que ferais-je ? »
Ce que je sais, c’est qu’au jour de ma première renaissance, grâce à ce roman, je saurai et je n’aurai pas peur car « Tu ne dois pas oublier, parce que tes souvenirs sont ton identité, mais tu ne dois pas non plus nourrir de regrets. Jamais. Regretter son passé, c’est rejeter ton âme. »

A mettre dans vos PAL 😀

Claire North

Claire North alias Catherine Webb est une auteure britannique née en 1986. Elle a publié des romans pour adolescents sous son vrai patronyme, Catherine Webb, et des romans pour adultes sous le pseudonyme de Kate Griffin.

4° de couverture

Harry August se retrouve sur son lit de mort. Une fois de plus.
Chaque fois qu’Harry décède, il naît de nouveau, au lieu et à la date exacts auxquels il est venu au monde la première fois, possédant tous les souvenirs des vies qu’il a déjà vécues. Peu importent ses actions ou ses choix, le processus est toujours le même. Harry ne sait comment ni pourquoi, seulement qu’il en existe d’autres comme lui.
Alors qu’arrive la fin de sa onzième vie, une petite fille apparaît à son chevet. « J’ai bien failli vous rater, Docteur August, dit-elle. Je dois vous transmettre un message, passé d’enfant à adulte, d’enfant à adulte, à travers des générations depuis mille ans dans le futur. Le voici : « Le monde se meurt, et nous ne pouvons rien y faire. À vous de jouer. »
Voici l’incroyable histoire d’Harry August, de ce qu’il a fait, de ce qu’il va faire, et comment il va essayer de sauver un passé qu’il ne peut changer, et un futur qu’il ne peut accepter.

4 Commentaires
  1. 12 janvier 2015
  2. 12 janvier 2015
  3. 12 janvier 2015
    • 12 janvier 2015

Laisser un message

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.